A Kaw en Guyane, petit village entouré de marais au sud-est de Cayenne que l'on atteint en pirogue à moteur, les habitants vivent paisiblement de la pêche au filet et de l’élevage de boeufs. Les rues désertes, les vastes clairières de hautes herbes et les forêts embrumées sont pourtant animées de vivaces légendes. Alimentées par les éléments naturels, elles mettent en scène l’eau, le bois, le feu mais aussi le passé esclavagiste de la région, encore fermement gravé dans les esprits.

La maman de l’eau, le maître de la forêt, le Maskilil, les bêtes à feu... Rodor, visage plissé et voix rocailleuse, conte les légendes qui l’ont bercé. "Le maître de la forêt disparaît si tu le vois. Il sait où tu es passé et où tu vas. C'est pour ça que quand tu vas à la chasse, il ne faut pas tuer trop de gibier, sinon tu le mets en colère." La contemplation des troupeaux et des bêtes nocturnes, que Stéphanie Régnier s'emploie à mettre en image, est propice à l’évocation de ces esprits, mais aussi de la destinée d’un mystérieux peuple retranché dans la forêt, constitué d’anciens esclaves qui se sont échappés des plantations. "Ils ont formé leur communauté et ils ont élevé leurs enfants." Des histoires transmises de génération en génération, qui vivent aussi au travers des chants. Pourtant la jeunesse semble absente, au risque de voir la mémoire du village s’effacer, emportant avec elle les derniers services publics. "Peut-être que notre école fermera s'il n'y a pas suffisamment d’enfants."

(Romain Hecquet)