"Ici, c’est ni plus ni moins la vérité qui sort de la bouche des aliénés." Dédié à son père, l’un des fondateurs de la psychiatrie algérienne après l'Indépendance et en particulier de l'hôpital de Constantine, le film de Malek Bensmaïl s'immerge dans le quotidien de ce centre de soins. Une façon aussi de prendre le pouls du pays, loin du tourbillon des événements et de leur médiatisation. Psychiatres et patients, se font l’écho sociétal du pays, où des fractures historiques non cicatrisées ont remis en cause des systèmes de valeur et de croyance construits au fil des siècles.

De la colonisation aux années de terrorisme islamique, l’Algérie n’a cessé d’en affronter les séquelles et ses retombées. En filmant l’interactivité soignants soignés, Bensmaïl révèle la souffrance mentale de la société algérienne et pointe, à travers les patients héros du film, le drame individuel d’hommes et de femmes prisonniers de leurs obsessions, les drames collectifs des victimes d’une société irrespectueuse de l’individu, de ses droits comme de ses libertés, et le scandale de la condition féminine. Scandale, surtout, car l’hôpital devient le seul lieu pour se délivrer de toutes ces injustices. Dans cette cacophonie ambiante, la langue cristallise tous les maux : “Le berbère a été déclaré langue officielle au prix de luttes sanglantes ; l’algérien, langue particulièrement vivante, innovante et parlée par tous, n’est toujours pas reconnu ; le français est usité par un quart des Algériens, et l’arabe classique est dévolu au pouvoir et ses institutions.”

(Sadia Saïghi)