Matériau de construction emblématique de l'Espagne, comme de la crise ayant touché ce pays à partir de 2007-2008, la brique (ladrillo, en espagnol) est devenue également le symbole de la corruption liée à la spéculation immobilière. Se saisissant de cet objet aussi prosaïque que polysémique, le réalisateur et sociologue Quentin Ravelli en dessine la biographie sociale. Où comment, de sa conception à sa diffusion, suivre l'itinéraire d'un matériau basique permet d'appréhender des mécanismes structurants du capitalisme.

Dès ses premières minutes – où des images de fabrication de briques dans une usine succèdent à celles de leur destruction nocturne –, Bricks résume les paradoxes que le film s'attache à déplier. Ceux d'une société dominée par une économie politique capitaliste et soumise à ses excès, ses ascensions et ses chutes. Constituant le fil rouge de ce film tourné entre 2011 et 2015, la brique l'architecture formellement – fournissant la matière à une création sonore originale – comme elle en structure le propos, orientant les rencontres de Quentin Ravelli. Des images captées dans des usines, à la rencontre avec le maire mélancolique d'une ville nouvelle tentant de sauver sa cité, et jusqu'à la lutte de victimes de crédits immobiliers toxiques menacées d'expulsion, Bricks narre le désastre à l’œuvre, détaille ses différents échelons. Si son montage rigoureux permet au film d'embrasser le capitalisme et ses rouages en panoramique, il révèle, au passage, les possibilités de luttes collectives contre celui-ci.

(Caroline Châtelet)

à lire : entretien avec Quentin Ravelli, réalisateur de Bricks, paru dans Regards.