Sous le regard de Gisèle Vienne pendant la tournée de son spectacle Crowd, quinze danseurs travaillent un ralenti cinématographique qui étire, suspend et subjective le temps partagé par les protagonistes d'une rave imaginaire. Au plus proche de la troupe, Patric Chiha recueille des instants de répétitions et l’intensité de moments précédant les représentations. Parallèlement, plusieurs couples de danseurs s'interrogent mutuellement sur les ressorts intimes et fictionnels leur permettant d’accéder à différents états de corps.

Des élans contradictoires fondent les relations entre les personnages de la pièce de Gisèle Vienne, toujours entre heurt et tendresse mais portés par une vibration continue. Les danseurs sont entre eux comme des aimants, polarisés selon leurs luttes intérieures, elles-mêmes mises en lumières et en couleurs backstage par Patric Chiha à travers une série de portraits d’une grande délicatesse. Si les paroles qui s’échangent témoignent du processus d’élaboration des mouvements incarnant le sentiment amoureux, le lâcher prise ou l’effondrement, les histoires imaginées se confondent avec ce que chacun a déjà pu éprouver dans la vie, dans un moment d'attirance folle ou d'abattement d'une séparation. Tel un peintre, le cinéaste s'attarde sur les visages pour faire ressentir la force de ce qui réunit les membres du groupe : une capacité à danser comme on aime, c’est-à-dire à danser ensemble, en acceptant de se laisser envahir un court instant, ou à l’inverse durablement, par les trajectoires parfois tortueuses de ses émotions.

(Damien Truchot)