Audrey, la trentaine solide et gaie, travaille à Lens dans un hypermarché et décrit elle-même sa vie comme "tout ce qu'il y a de plus normal". Pourtant, dans cette région du bassin minier, elle enquête sur "des choses qui ne s’expliquent pas". Avec l’aide de petits appareils, elle tente de dialoguer avec les esprits du passé qui hanteraient maisons, habitants et anciens sites industriels. En apparence ésotérique, sa démarche ne cesse pourtant d’interroger les fortes résonances actuelles de l’histoire ouvrière.

Dans Le Pays rémanent, les terrils surplombent les autoroutes tandis que l’on continue à commémorer les tragédies et les grèves du passé devant des monuments. Avec une approche visuelle et sonore autant sensible aux voix qu’aux silences, Ugo Zanutto révèle l’empreinte persistante de la révolution industrielle sur les paysages et les habitants du nord de la France. Ainsi, on suit Audrey, passionnée par les récits livrés par les personnes qui ont fait appel à elle, toutes marquées par la dureté du travail dans la mine ou par un accident qui a coûté la vie à un proche. Gardienne des mémoires individuelles, elle éclaire de sa lampe torche l'histoire du pays des corons et, derrière ses adresses aux esprits comme à travers les mots qu'elle confie en off, elle relie les colères du passé à ses propres interrogations, curieuse de comprendre comment ces hommes et ces femmes pouvaient garder toujours "la tête haute" malgré d’effroyables conditions de travail.

(Damien Truchot)