Gillo Pontecorvo tourne La Bataille d’Alger en 1965, soit trois ans après l’indépendance de l’Algérie. Le réalisateur italien (1919-2006), s’inspirant du récit du chef du FLN, Yacef Saadi, qui incarne ici son propre rôle, reconstitue avec une précision documentaire la lutte entre les parachutistes du Général Massu et les commandos du FLN. A l’aide de nombreux archives et entretiens, Malek Bensmaïl retrace la fabrication du film et analyse sa féconde postérité.

Cherchant à être au plus près de la vérité, Pontecorvo engage techniciens et acteurs non professionnels parmi les habitants de la Casbah, fiers de rejouer leur histoire et de rendre hommage à l’icône Ali La Pointe, mort en 1957. Saadi s’improvise producteur : il trouve de l’argent, qu’il fait venir dans un couffin, et obtient chars et armes de la présidence. Mais l’Histoire rattrape le film : Boumedienne, alors Ministre de la Défense, renverse Ben Bella, profitant de la confusion du tournage à Alger. Malgré le coup d’Etat, le tournage se poursuit. La Bataille d’Alger remporte le Lion d’or à Venise et devient un modèle pour les peuples révoltés à travers le monde – de la Guinée-Bissau à la Palestine en passant par les Black Panthers. Au moment de la guerre en Irak, en 2003, l’armée américaine en fait même un objet d’étude. En France, le film, jugé partisan, est d’abord censuré, puis retiré de l’affiche quand, en 1981, les cinémas qui le diffusent sont attaqués. Il ne sortira qu’en 2004.

(Martin Drouot)