Pour leur premier film, les jeunes réalisatrices turques Su Baloglu et Merve Bozcu interrogent leurs consoeurs sur leurs débuts derrière la caméra. Tout en mettant savamment en abyme par sa construction cette thématique, Onun Filmi embrasse des sujets plus vastes. Derrière la diversité des points de vue reviennent les questions de légitimité, de crédibilité, de la place des femmes dans les schémas de production, des choix de vie personnels, de l'importance de ne pas "imiter les hommes". Un premier film aussi émouvant que brillant.

"Avez-vous déjà beaucoup filmé ?" Cette question adressée par Bingol Elmas à Su Baloglu et Merve Bozcu, tandis que ces dernières tergiversent sur les choix de tournage, demeurera sans réponse. C'est que les minutes précédant l'entretien entre la réalisatrice turque et le duo, en donnant à voir l'acquisition du matériel de tournage par les deux jeunes femmes, ont déjà répondu à l'interrogation. Onun Filmi joue ainsi avec malice de l'ambiguïté de son intitulé, et le premier film se révèle autant celui des deux cinéastes en devenir que l'un des sujets récurrents évoqués avec leurs interlocutrices. Insérant avec intelligence et sensibilité des séquences de leur propre making-of ainsi que des extraits de films des cinéastes rencontrées, Onun Filmi explose le format classique du documentaire d'entretiens. Tandis que les témoignages de ces artistes de tous âges brossent un panorama d'un cinéma turc sexiste, Su Baloglu et Merve Bozcu affirment progressivement leur geste de cinéma et leurs positions militantes.

(Caroline Châtelet)