En 2014, arrachée à sa ville, Sinjar (Shingal), à son pays, l’Irak, une famille yézidie vit la tragédie de l’exode. Aucune scène de violence ne vient crever l’écran mais la violence est partout, dans ce mot génocide accroché à toutes les lèvres y compris celles des gamins de dix ans, dans les détonations que les enfants commentent en experts, dans le silence accablé du grand-père qui, sa vie durant, n’aura connu que sang et larmes.

En butte aux Arabes et aux Kurdes, rivaux dans la région (Sinjar est proche des frontières avec la Syrie et la Turquie), la minorité de confession yézidie n’a que ses yeux pour pleurer. Les persécutions perpétrées par l'Etat Islamique en août 2014 contre les "impies" – massacre des hommes, rapt des femmes – atteignent un paroxysme. Dans un camp en Turquie, la caméra se pose au cœur d’une famille nombreuse, jadis prospère. Chacun espère, après la défaite de Daesh, revenir à Sinjar. Le temps s’étire tandis que le chef de famille négocie la libération de sa fille Vayan, esclave des soudards de Daesh. Avec une lenteur calculée, le film rend sensible la cruauté de l’attente, la chute inexorable dans le néant. Car la reprise de Sinjar en 2015 ne résout rien. Femmes et enfants fuient en Allemagne en quête d’une vie meilleure. Le chef de famille, qui a gardé auprès de lui l’un de ses fils, revient voir Sinjar. Ils découvrent leur maison saccagée par les islamistes, leur petite patrie yézidie anéantie par les bombardements occidentaux. La tragédie est consommée.

(Eva Ségal)