Défini comme un "conte documentaire" par ses auteurs, Zaho Zay confronte l'histoire d'un tueur silencieux, mise en scène dans de majestueux paysages, à des séquences documentant le système pénitentiaire saturé de Madagascar. Sur un texte écrit par le poète et écrivain malgache Jean-Luc Raharimanana à l’invitation des cinéastes, la voix off d'une femme s'adressant à un père "parti pour ne jamais revenir" assemble entre elles ces deux lignes d’images et redouble progressivement la violence qui émerge de l'ensemble.

De la fanfare qui accompagne un impressionnant rituel funéraire à une berceuse chantonnée dans un souffle léger, Zaho Zay est hanté par l’histoire précoloniale de Madagascar et les croyances de la tribu Betsileo. La voix qu’il fait entendre est celle d’une gardienne de prison, fille de ce tueur dont elle rêve parallèlement l’errance. Postulant la présence de celui-ci parmi les détenus, elle interpelle cette "République des meurtres sans justice" qui entasse ces hommes sans même les juger. Si le texte a été écrit en écho à la tradition orale à partir des images déjà montées, il n’en est pas moins le reflet précis des tourments et des réalités contradictoires qui relient la petite et la grande histoire de "l’Île rouge". D’une âpre brutalité, ses mots résonnent sur le quotidien des prisonniers, comme sur le visage de l’homme mystérieux jouant aux dés ses victimes. Regrets, chants, douleurs, et déchirements s’entremêlent pour traduire successivement les sources de la violence et l’impossibilité d’échapper à une trajectoire décidée dès l’enfance.

(Damien Truchot)

Prix Renaud-Victor (doté par Images de la culture), FID-Marseille 2020.