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Résumé
Thomas Faverjon a reçu de ses parents ouvriers chez Lip une mémoire du conflit qui ne coïncide pas avec la vision héroïque transmise par le cinéma militant. Mettant en pratique démocratie directe et autogestion, la grève dans l’usine horlogère avait attiré à Besançon de nombreux cinéastes animés des idéaux de 1968 (Chris Marker, Richard Copans, Carole Roussopoulos...). Fils de Lip travaille à combler l'écart en construisant un autre récit, de l’intérieur.
Articulant l’histoire sociale à la chronique intime, l’enquête de Thomas Faverjon part du sentiment d’échec transmis par ses parents. Comme ceux-ci répugnent à s’expliquer, le réalisateur se tourne vers d’autres protagonistes du conflit Lip – militants CFDT, CGT, groupes Femmes, amis de la famille – pour reconstituer l’histoire en insistant sur le second conflit (1976-1980). À la différence du premier qui s’est conclu en 1974 par une victoire, le second, essoufflé et isolé, s’achève par le licenciement de la moitié des effectifs. En octobre 1979, à l’issue d’un vote des ouvriers en lutte, la mère du réalisateur se retrouve ainsi renvoyée au chômage. Beaucoup partent écœurés, un ouvrier se suicide. Tourné à Besançon, le film met en regard les films militants de l’époque avec des points de vue actuels, en s’attachant aux témoignages de femmes qui de bonne heure – comme le montrent les vidéos de Carole Roussopoulos – ont exprimé des critiques sur la conduite de la lutte.
(Eva Ségal)
Descriptif technique
- Production
- TS Productions
- Participation
- CNC, CR Franche-Comté, Procirep
- Réalisation
- Thomas Faverjon
- Année
- 2007
- Durée
- 51'
- Double disque
- non
- Couleur / N&B
- couleur
- Genre
- Documentaire
- Diffusion
-
- Prêt aux particuliers par l'intermédiaire des médiathèques : oui
- Projection publique : oui
- Diffusion en ligne : oui
Avis
Sélectionné par
Le réalisateur tente de comprendre ce que ses parents, anciens ouvriers chez Lip, ont vécu et ont omis de lui transmettre. Face à leur mutisme, Thomas Faverjon modifie son projet initial : il fait appel à d’autres témoignages, recueille des archives et se confronte aux films militants de l'époque. Le temps écoulé permet aux témoins de livrer leurs regrets jusque-là étouffés par la crainte de ternir l'image d’une lutte emblématique. Loin de l’idéologie sociale et politique qui a motivé ces ouvriers à mettre en place en 1973 une nouvelle organisation du travail, les décisions prises à partir de 1976 ont répondu à une logique de rendement économique, au détriment de la vie collective et individuelle : licenciements sous prétexte de réalisme économique, division des salariés, etc. Comme le dit Monique, ancienne ouvrière de Lip : “Lip 73 peut rester comme une gloire dans l’Histoire ouvrière, mais Lip 76-78 c’est plutôt moche.” Tellement moche qu’elle a préféré quitter Lip. Trente ans après, elle le formule ainsi : “C’est une salissure sur les luttes ouvrières car il n’y a pas de honte à perdre après cinq ans de lutte face aux gouvernants, mais il y en a à se comporter comme ceux à qui on s’oppose.”
Anne Pambrun (Bibliothèque Marguerite Yourcenar, Paris)