Vorkouta est une ville minière du nord-ouest de la Russie, située au-delà du cercle polaire, à 2000 kilomètres de Moscou. Avant d’être une ville, ce fut un camp d’internement : des condamnés de toutes nationalités y étaient déportés, ce qui lui valut le surnom de “capitale des mondes”. À l’heure de la mondialisation, elle marche désormais au pas du capitalisme avec ses crises et ses licenciements.

C’est le début du printemps à Vorkouta et la météo annonce -34° C. La nuit qu’éclaire la lumière jaune des réverbères est balayée par le blizzard. Une neige grisâtre s’accumule au pied des immeubles en béton préfabriqué. Les premiers habitants qui témoignent évoquent le goulag, les condamnations arbitraires, les travaux forcés, les morts innombrables ensevelis sous les fondations la ville. Mais bientôt c’est une perspective plus contemporaine qui s’élabore. Vorkouta n’est pas la seule ville qui soit née du goulag. Les prisonniers libérés ont choisi d’y rester : elle fait partie de l’histoire ordinaire de la Russie. À l’extérieur, sur la steppe gelée, nous faisons connaissance avec les Nenets, nomades éleveurs de rennes dont les prospecteurs de gisements essaient de se débarrasser. Puis ce sont les ténèbres de la mine, le ballet des bulldozers. La ville autrefois soviétique est aux mains d’un géant de la sidérurgie qui cherche à baisser les salaires pour optimiser les profits.

(Sylvain Maestraggi)