Immobile, Kévin scrute la caméra, le regard perçant, et puis un sourire arrive. Le jeune homme est atteint par une forme aigüe d’autisme, plongé dans un mutisme déroutant. Kévin vient d'atteindre sa majorité, il tourne en rond derrière les palissades du centre où il est hébergé, dans l’attente de changer d’établissement. Clémence Hébert a passé 4 ans à ses côtés, caméra à l’épaule, parvenant à saisir dans la retenue sa personnalité.

Un tronc sur une plage, un câble tendu au milieu d’une cour, un morceau de tuyauterie abandonné sur le sol, la moindre aspérité de l’ordinaire devient un terrain d’exploration. Kévin examine, transporte, cache, déconstruit, reconstruit, détruit. Les quelques émotions qui transparaissent sur son visage laissent tantôt entrevoir de la malice, tantôt de la frustration, entre rires et gémissements. Le départ pour son nouveau centre d’accueil spécialisé se révèle compliqué. Dans sa nouvelle chambre, les cris des autres résidents et des éducateurs résonnent. Avec ses proches, les paroles se font rares, les échanges sont brefs, seule leur présence semble compter. Au gré des promenades avec sa tante et des repas chez sa grand-mère, la personnalité de Kévin se dévoile lentement. La caméra de Clémence Hébert se concentre sur lui, comme pour essayer de rentrer dans son monde et comprendre ses gestes si énigmatiques. Mais Kévin sait se jouer de la réalisatrice et de sa caméra.

(Romain Hecquet)