Issus de la cosmologie musulmane traditionnelle – et présents dans le Coran –, les djinns sont depuis toujours désignés comme responsables de nombreux maux, comme de faits inexpliqués. Collectant des témoignages sur ces êtres non-humains, Souad Kettani donne à voir, outre la diversité des croyances qui leur sont attachées, leur permanence. Ainsi que la persistance de leur rôle, soit d'être la source des dysfonctionnements et insatisfactions qui peuvent traverser des vies.

Une porte d'un bâtiment – qui échappe à nos regards – situé dans une campagne déserte et écrasée par le soleil : précédant le générique introductif, ce plan fixe contraste avec ce qui va suivre. Car le paysage marqué par la sécheresse et évoquant possiblement le Maghreb cède la place à une banlieue française quelconque. Dans cet espace où les barres d'immeubles se succèdent les unes aux autres, Souad Kettani capte les récits d'adolescents et d'adultes originaires de différents pays d'Afrique (Maroc, Sénégal, etc.) sur les djinns. Mêlés à des fragments de vie (cours, activités extra-scolaires, pratique musicale), inscrits dans un environnement dominé par le béton et ponctué d'espaces verts délimités, ces témoignages tranchent avec l'univers morne aux ciels gris dans lequel ils se déploient. Par l'évocation de ce surnaturel invisible, la distance géographique et culturelle séparant cet environnement quotidien des pays dont sont originaires les raconteurs s'estompe. Et le fantastique s'immisce, chargeant d'une inquiétante atmosphère ces zones urbaines trop cadrées.

(Caroline Châtelet)

Compétition française, Cinéma du Réel 2020.