Imaginée par l’architecte Jean Balladur, la ville nouvelle de la Grande Motte dans l’Hérault, qui sort du sable à la fin des années 1960, devait-elle incarner l’utopie de l’hédonisme comme mode de vie ? Promesse d’une vie de loisirs passée sous un soleil éternel, elle est vue, à travers le film de Yann Sinic et le commentaire écrit par Nathalie Combe, comme une fable intemporelle entrainant le spectateur vers un voyage subjectif et lumineux.

Sur le ton d'une odyssée mythologique méditerranéenne où le marin voyageur accoste dans une ville inconnue et pourtant familière ("Cité de la Mémoire", "Cité des Morts" ou "Cité du Bonheur" ?), le narrateur convoque la mémoire selon diverses textures : des images d'une nature sauvage originelle (marais, chevaux, flore), en gros plans ou floue, et l'apparition d'un "monde nouveau" avec l'érection d'architectures totémiques en relation avec le cosmos (archives télévisuelles, films promotionnels ou familiaux, extraits de fictions). Au-delà de cette lecture romanesque d'un lieu hors-norme dans le patrimoine français, La Cité du Soleil oscille entre le pamphlet (nature violentée et fabrication ex nihilo du "bonheur") et l'hommage sensible rendu à un projet d’urbanisme audacieux. Les vues parcellaires de la "cité blanche" aujourd'hui rendent compte d'un passé révolu à l'esthétique seventies, dont les scintillements diffractés du soleil dans la mer en sont l'emblème.

(Eléonore Muhidine)