Licenciées en 2007 avec des milliers de travailleuses de la confection industrielle du bassin de Cholet, deux femmes refusent la fatalité. A 52 ans, rien ne prédispose Annie et Danielle à devenir patronnes sinon l’optimisme et la ténacité. Elles embauchent une dizaine de camarades d’usine et forment un collectif soudé qui, pas à pas, va accumuler expériences et compétences. Cinq ans plus tard, l’avenir reste incertain mais personne ne regrette rien.

Danielle revient dans cette usine de Nuailles où elle a travaillé 35 ans. Le bruit des mille machines à coudre s’est tu. La clarinette de Philippe Quélard accompagne le blues de la visiteuse dans l’immense entrepôt désert. En comparaison, l’atelier d’AD Confection est minuscule mais son cœur palpite de l’aube au crépuscule. Briefing matinal : avant d’attribuer à chaque "fille" sa tâche du jour ou de la semaine, Annie et Danielle partagent les informations stratégiques. Management transparent, rémunération égalitaire, chaleur humaine, acquisition de nouveaux savoir-faire par des formations, l’atelier apporte ce qui manquait à l’usine mais l’illusion de sécurité s’est envolée. Quand le carnet de commande et la trésorerie se vident, les patronnes passent des nuits blanches. Le lendemain, une fois les tasses de café vidées, chacune remonte au front. Au prix d’adaptations constantes, l’atelier se maintient à flot et chaque jour est une petite victoire contre le chômage et la déprime.

(Eva Segal)