Comment rendre compte de l’audace de l'architecte Claude-Nicolas Ledoux, qui imagine un monde ordonné selon les principes modernes de l’esthétique néoclassique et de l’urbanisme le plus progressiste, pour les bâtiments d’une usine qui n’exigeaient pas de parti monumental ? À l’aide des gravures de l’ouvrage théorique de Ledoux (1804), Richard Copans nous présente la Saline d'Arc et Senans, plongée dans un silence qui accentue sa monumentalité.

Construites entre 1775 et 1779 dans le Doubs, en lisière de la forêt de Chaux et à proximité de la Loue, les unités de cette saline royale ont été conçues avec tous les services nécessaires à la production industrielle. Sur un arc de cercle, de chaque côté du pavillon d’entrée, s’alignent la maréchalerie, la tonnellerie et deux bâtiments d’habitations pour les ouvriers avec jardins à l’arrière. Sur l'axe refermant l'hémicycle, la maison du directeur est placée au centre, bordée par les bâtiments de production. Le plan de cette ville fermée par un haut mur définit un espace aussi fonctionnel (hygiène et sécurité) que hiérarchisé. La perspective axiale relie l'entrée - une colonnade dorique protégeant une grotte aux roches brutes - à la maison du directeur avec son péristyle colossal, que domine l’oculus du fronton. Aujourd’hui, la saline a été transformée en centre culturel, qui abrite désormais les rêves de papier de Claude-Nicolas Ledoux.

(Annick Spay)