L’historien Jean Bottéro (1914-2007) sépare les objets du passé en deux catégories : les monuments, que l’on peut faire parler mais qui ne parlent pas, et les documents, qui ont fixé la parole et la pensée. C’est l’écriture que Jean Bottero a choisie comme objet de sa recherche, et tout particulièrement l'examen de mystérieuses tablettes d'argile poinçonnées. En sa compagnie, nous remontons jusqu’à leur source : les rives de l’Euphrate et la civilisation mésopotamienne.

L’écriture cunéiforme (en forme de coin ou de clou) est née autour de 3200 avant notre ère en Mésopotamie, région située entre le Tigre et l’Euphrate à l’emplacement de l’Irak actuel. Elle n'est déchiffrée qu’en 1802, par l’Allemand Georg Friedrich Grotefend, à partir d’éléments stables permettant d’isoler quelques lettres, comme le nom des rois perses connus des Grecs. Aide-mémoire, plus que moyen d’expression, l’écriture est à son origine l’instrument des comptables et des marchands, mais réservée au scribe seul, qui en a fait son métier. Décryptées, les tablettes ont enrichi l'image de la civilisation mésopotamienne. Ses valeurs, sa science, sa poésie, son art de vivre ont peu à peu été révélés : le code d’Hammourabi nous a transmis le droit, l’épopée de Gilgamesh, les mythes et le sentiment du beau... Et même des recettes de cuisine, dont l'une que le chef Guy Savoy a concoctée pour le film dans son restaurant et que l'on voit Jean Bottéro déguster.

(Sylvain Maestraggi)