Une avalanche de tissus, de boutons, de paires de ciseaux, de mètres-rubans. Dans un atelier de couture, une femme confectionne les costumes de Fernando Santos, alias Deborah Krystal, figure travestie de la nuit lisboète. En une suite de tableaux vivants, mis en scène et filmés en 16 mm par Marie Losier, Deborah nous entraîne dans un univers de fantasme et d’exubérance, entre carnaval et conte de fées.

La culture drag queen a ses codes : une certaine nostalgie portée par la musique ; une certaine ingénuité qui repose sur une féminité qui n’a rien de naturel ; un certain hiératisme qui tient au costume, au culte de l’image et à l’origine théâtrale de cet art. Dans le sillage des Flaming Creatures de Jack Smith (1963), Marie Losier propose une succession de saynètes, chacune construite autour d’un motif : des sirènes capturées au filet par des personnages concupiscents, une femme-oiseau aux prises avec des taxidermistes dans les couloirs d’un muséum, une jungle peuplée d’animaux noctambules où une femme-lionne rencontre une mystérieuse femme-serpent. En jouant ainsi avec l’imaginaire de la métamorphose, la réalisatrice révèle la dimension carnavalesque de la drag queen et par-là son caractère originel. Le film se termine par un clin d’œil à la fondation de Lisbonne : le mythe d’Ofúissa, la reine des serpents qui par ses contorsions forma les sept collines de la ville.  

(Sylvain Maestraggi)