Le temps d'une nuit, nous suivons Simone Barbès. De son travail d'ouvreuse dans un cinéma porno dans le quartier Montparnasse à Paris, à sa sortie dans un club lesbien et jusqu'à son retour chez elle au petit matin, l'on découvre des lieux et personnes invisibilisées. Un univers noctambule et interlope où – à la faveur de la nuit – les places et assignations se réinventent. Dans ce laps de temps, la jeune femme passe de l'état d'attente à celui de prise de décision et de parole – et affirme son choix d'évoluer seule.

C'est un film, mais ce pourrait aussi bien être une pièce de théâtre. Le premier acte se déroulerait dans le hall du cinéma, où dans un singulier ballet les clients défilent, habitués ou non, de toute classe sociale. Le deuxième se tiendrait dans une boîte de nuit où Simone espère – sans succès – repartir avec sa compagne qui travaille là. Les numéros musicaux se succèdent, un meurtre surgit. Le troisième se passerait en voiture, Simone croisant un homme en smoking et prenant le volant jusqu'à chez elle. Chef d'œuvre méconnu du cinéma français réunissant nombre de comédiens non-professionnels, ce film est autant de son temps que visionnaire. Donnant à voir la communauté lesbienne, le public masculin et stylisé, amateur d'une certaine pornographie hétérosexuelle, ou encore la solitude d'errances parisiennes, sa forme d'insouciance est celle précédant les années sida. Pour autant, son intersectionnalité en fait, aussi, une œuvre d'aujourd'hui. Sans misérabilisme, ses personnages se déplacent et déjouent tout conformisme, cette transgression s'incarnant dans des dialogues basculant de phrases laconiques à des tirades très théâtrales.

(Caroline Châtelet)