Sur le quai d’Ushimado, petit port de la mer Intérieure du Japon, Wai, un vieux pêcheur, reprise ses filets. Plié en deux, quasiment sourd, il espère du haut de ses 86 ans ne plus avoir à travailler qu’une ou deux années. Kumiko, elle, sillonne le rivage à l’affût d’une rencontre qui la tirerait de sa solitude. Un portrait émouvant de la population âgée d’une station balnéaire nippone à la basse saison.

Kazuhiro Soda s’est fait une spécialité des "films d’observation". Traînant sur le quai d’Ushimado, il construit son film au gré des rencontres avec les habitants. Parmi cette galerie de portraits, deux personnages se détachent. Le premier, Wai, embarque le cinéaste sur son bateau, où il extrait méticuleusement du filet les sébastes qu’il ira vendre à la criée. Occasion d’observer le circuit du poisson, de la soute du pêcheur jusqu’aux étals de la poissonnière, Koso, qui a relevé le défi de maintenir son activité après la mort de son mari. Le deuxième personnage, Kumiko, met plus de temps à se révéler et emporte toute la dernière partie du film. Son insistance pour faire visiter le village au cinéaste cache une histoire malheureuse qu’elle finira par raconter. Le film donne alors à sentir deux manières de traverser la vieillesse : l’impeccable routine du pêcheur, pour qui le temps est une succession de gestes, et le désespoir de celle qui malgré les épreuves ne peut renoncer à vivre. Les images en noir et blanc rapprochent le film d’une tendance de la photographie japonaise tournée vers l’ordinaire et le paysage urbain.

(Sylvain Maestraggi)