Durant des décennies, le chlordécone fut employé, parmi d’autres pesticides, dans les bananeraies de la Martinique, contaminant les sols et les rivières, affectant la santé des habitants. Face à ce désastre écologique, Florence Lazar recueille le témoignage de ceux qui défendent une autre agriculture et une meilleure connaissance de la nature. Une connaissance héritée du marronnage : la survie des esclaves en fuite dans la forêt.

La Martinique n’est pas si éloignée qu’elle le semble de l’Europe. Au contraire elle est au centre des pratiques agricoles qui ont fait son histoire, et en tant que territoire français elle est rattachée aux politiques de l’Union. Comme l’a étudié Malcom Ferdinand dans son livre Une Ecologie décoloniale (Seuil, 2019), la Caraïbe fut au XVII^e siècle le laboratoire de l’agriculture intensive avec le développement des plantations. L’affaire du chlordécone est l’une des conséquences de cette histoire qui a favorisé la monoculture à travers le monde. De ce mal pourtant naît aussi, au même moment, le remède. Comme le racontent les protagonistes du film, les esclaves africains qui fuyaient les plantations savaient trouver dans la forêt les moyens de leur survie. À l’exploitation industrielle de la banane s’oppose ainsi la cueillette de ceux qui cherchent à constituer une pharmacopée “marronne”, issue de la biodiversité. Tandis que parmi les monts et les forêts, d’autres tentent d’inventer une agriculture saine qui rendrait à l’île son autonomie alimentaire.

(Sylvain Maestraggi)