Un no man's land, un groupe de jeunes hommes (se désignant comme « la faction des 300 » en référence au blockbuster en mode péplum de Zack Snyder), des entraînements à la discipline toute militaire, une menace sourde dont on ne sait si elle est le fruit de bouleversements politiques ou climatiques : aussi bref qu'intense, L'Arche immerge dans un monde en suspens. Avec un récit en voix-off accentuant l'étrangeté de l'instant, le film s'attache autant à l'ambiguë beauté des espaces qu'aux corps et aux visages, tous tendus vers des lendemains bien incertains.

Pour son troisième court-métrage, la cinéaste Amira Louadah compose à partir de sa rencontre avec un homme, et du lieu qu'il lui a fait découvrir, un récit entre documentaire et fiction. Dans ce chantier à ciel ouvert laissé à l'abandon, Fateh Henttour, avec d'autres jeunes des cités proches, a aménagé une salle de sport de fortune. Le film alterne entre image des paysages alentours (périphéries urbaines dominées par la sécheresse) ; séquences d'entraînement – les accessoires de musculation DIY étant conçus avec des matériaux de BTP ou des objets détournés (pneus, ciment, fer à béton) – ; et scènes de combats. Qu'il s'agisse de moments captés dans le réel ou de ceux fictionnalisés, l'ensemble – baigné d'une lumière écrasante – travaille avec un sens du dramatique savamment dosé une atmosphère inquiétante. Celle d'un monde inhospitalier et aride , où les habitants soumis à l'exode doivent affronter un ennemi invisible. Cette dystopie aux accents post-apocalyptiques pouvant autant renvoyer au passé qu'au futur de l'Algérie.

(Caroline Châtelet)