L’analyse du Sacre de Napoléon, l’œuvre la plus monumentale de Jacques-Louis David, fournit la matière d’une grande leçon d’Histoire et d’histoire de l’art. Bonaparte qui, dès ses débuts, met en scène son image, a trouvé en David l’artiste officiel de son irrésistible ascension. Avant de devenir le chantre du nouvel empereur, le peintre s’est fait connaître avec Le Serment des Horace, manifeste du néoclassicisme - et comme ami de Robespierre.

Grâce à des gros plans sur des détails, grâce aussi à la maquette que le peintre avait alors fait réaliser dans son atelier, l’immense tableau avec ses 191 personnages livre quelques-uns de ses secrets artistiques (les repentirs, les principes de composition et d’éclairage) et politiques (intrigues familiales, relations avec l’Église, etc.). En s’appuyant sur la très riche iconographie napoléonienne des XIX^e et XX^e siècles (y compris un extrait de film muet), le commentaire s’attache, par-delà cette cérémonie fastueuse, à retracer tout l’itinéraire de Bonaparte, depuis ses premiers coups d’éclats militaires jusqu’à sa fin à Sainte-Hélène ; en concluant avec la fin de David, lui-même exilé aux États-Unis. La manière singulière dont Bonaparte, général républicain, récupère à son profit les symboliques impériale et monarchique, et met le talent du peintre au service de la fabrication de son propre mythe, témoigne du rapport toujours problématique entre le pouvoir et les images.

(Eva Ségal)