Après s'être intéressée aux mères (Nos mères, nos daronnes, 2014), Bouchera Azzouz creuse le sillon de la place des femmes d'origine maghrébine dans les cités de banlieue en donnant la parole à la génération suivante, la sienne. Entre images d'hier et témoignages d'aujourd'hui, la réalisatrice livre un documentaire à la première personne, qui retrace chronologiquement les luttes individuelles comme collectives pour la conquête des libertés.

Désignant les premières et deuxièmes générations issues de l'immigration, le terme beur, et son féminin beurette, est né au début des années 1980 et demeure lié à cette décennie. Des qualificatifs ambigus qui, quoique associés à la Marche pour l'égalité et contre le racisme de 1983, prolongent le racisme, en stigmatisant ceux qu'ils désignent comme des étrangers ou d'origine étrangère. Partant de son enfance dans la Cité de l’Amitié à Bobigny (Seine-Saint-Denis), la réalisatrice donne la voix à ses amies, beurettes comme elles. Vidéos familiales, archives télévisuelles et images d'aujourd'hui, le film entrelace les sources pour narrer de manière émouvante comment chacune a conquis sa liberté, souvent par étapes (fugue, mariage, travail). En inscrivant ces récits individuels dans un contexte plus vaste, On nous appelait beurettes souligne l'influence des politiques françaises sur les trajectoires personnelles. Surtout, le film se veut optimiste pour les générations futures : "Face au repli communautaire et identitaire, il faut raconter notre histoire, parce que le meilleur est toujours possible."

(Caroline Châtelet)